Publié le : 8/06/2022

S’il n’est plus besoin de rappeler à quel point les matériaux composites – et particulièrement les thermodurcissables – font aujourd’hui partie intégrante des solutions maîtrisées, largement étudiées et mises en œuvre dans l’industrie pour améliorer conjointement la légèreté et la résistance des structures aérospatiales, de nombreux travaux s’intéressent encore à une autre famille de matériaux composites à matrice organique : les thermoplastiques, avec cette spécificité aérospatiale de s’intéresser principalement aux composites à renforts de fibres longues, de carbone. Les défis récemment lancés au secteur aérospatial n’ont d’ailleurs fait que renforcer l’intérêt porté à cette famille de matériaux encore trop rarement utilisés pour les structures primaires d’aéronefs.

 

Le projet MATCH visant à proposer des solutions de fabrication de pièces de structure primaire aéronautique de forte épaisseur en matériaux composites thermoplastiques répond à ces nouveaux défis ! Le projet s’est clôturé il y a quelques jours et a rendu ses premiers résultats. L’IRT Jules Verne, Airbus, Daher, Loiretech, Nantes Université et l’ENSAM ont travaillé pendant plusieurs mois sur différentes briques technologiques pour arriver à des résultats plus que convaincants et ouvrant la voie à des solutions innovantes dans le domaine des composites thermoplastiques.

 

Tuan Linh Nguyen, Ingénieur R&D Simulation des procédés Matériaux Composites et Stéphane Bessemoulin, Ingénieur R&D Procédés Matériaux Composites au sein de l’IRT Jules Verne participent ce mercredi 8 juin à la conférence « matériaux et structures thermoplastiques pour applications aerospatiales ». Un des objectifs de la journée organisée conjointement par les Commission Matériaux et Structures de 3AF est de dresser un état de l’art académique et industriel, en 2022, sur le sujet des matériaux composites thermoplastiques à usage aéronautique et spatial, au regard de leurs principales forces et faiblesses.

 

Tuan Linh Nguyen et Stéphane Bessemoulin livrent les premiers résultats/découvertes issus du projet MATCH notamment en termes de simulation par la présentation intitulée « Consolidation de pièces aéronautiques thermoplastiques de forte épaisseur : vers une maîtrise de la non-conformité par modèles numériques multiphysiques ».  En effet, dans le projet MATCH, des problèmes de distorsion géométrique, notamment, ont été constatés au cours de la consolidation, distorsions qui entrainent une non-conformité des pièces. Compte tenu de la forte épaisseur et de la dimension des pièces, des approches par essai-erreur s’avèrent très onéreuses et nécessitent beaucoup de temps de développement. Ainsi, des travaux de simulation ont été proposés dans le but d’orienter les choix de réglage des paramètres procédé en vue de limiter cette non-conformité de déformation résiduelle. Ils permettent donc de limiter les coûts des plans d’expérience et du développement du procédé.

 

Les modèles numériques proposés sont des modèles multiphysiques couplant la thermique, la cinétique de cristallisation et l’élasticité. Les modèles de simulation thermique et thermo-cinétique ont été développés dans le code opensource FreeFEM++ (https://freefem.org/). Ces travaux ont été menés dans le cadre d’une collaboration entre l’IRT Jules Verne et le laboratoire de Thermique et d’Energie de Nantes (LTeN). L’utilisation de ces modèles, alimentés par une campagne d’essais de caractérisation à la fois thermique et cinétique, a permis de prédire l’évolution du champ de température et du taux de cristallinité au cours du procédé. Des gradients importants de ces grandeurs dans l’épaisseur ont été mis en évidence pour les pièces de forte épaisseur étudiées dans le projet MATCH. Le cycle de consolidation a ainsi pu être optimisé pour limiter ces gradients. Les résultats de ces travaux ont été récemment publié dans un article du journal scientifique « Journal of Composites Material » [Denis 2022].

 

Un modèle multiphysique thermo-cinétique-mécanique a ensuite été développé grâce à un chainage numérique entre FreeFEM++ et le logiciel Abaqus© (Dassault System). Le couplage est itératif, c’est-à-dire que l’échange de données entre les modules thermique, cinétique et mécanique est réalisé à chaque incrément de temps. Ce couplage permet de prendre en compte des conditions aux limites évolutives, comme par exemple une modification de la résistance thermique de contact suite à la déformation de la pièce.  Compte tenu du drapage quasi-isotrope et du grand nombre de plis des pièces de MATCH, le modèle numérique développé est un modèle 3D thermo-élastique isotrope transverse. Les effets de la dilatation/retrait thermique et de la cristallisation ont été pris en compte. Les phénomènes de déformation tels que le « spring-in » (refermement d’angle) après le démoulage ont pu être simulés.

 

Figure 1. Simulation de la distorsion géométrique (« spring-in ») de la pièce démonstrateur Pylon du projet MATCH

 

Les résultats de corrélations calculs/essais s’avèrent encourageants à fois pour la partie thermique, cinétique et mécanique. L’exploitation des modèles numériques a permis de :

 

  • Maîtriser la consolidation afin d’optimiser le temps de cycles et effectuer des améliorations technologiques,
  • Analyser l’origine de la non-conformité de la pièce finale, particulièrement l’angle de « spring-in » suite à la consolidation.

 

Des pistes d’amélioration/optimisation du présent modèle ont été identifiées pour la suite du projet qui est en cours de montage.

 

 

[Denis 2022] Y. Denis; T-L. Nguyen; D. Lecointe; S. Le Corre, A. Levy “Thick thermoplastic composite laminate consolidation: experimental observations and numerical approaches”. Journal of Composites Materials, 2022.